Henri GUERIN la lettre O

Lettres posthumes à Octavio Paz
depuis quelques arcanes majeurs du tarot

 

Serge Pey

 

 

Serge Pey est un écrivain et poète français né à Toulouse le 6 juillet 1950. Il a créé une revue nommée Émeute en 1975, suivie de Tribu en 1981. Avec Los Afiladores : les aiguiseurs de couteaux, il met en œuvre la poésie d'action-Flamenco. Maître de conférences à l’université de Toulouse-Le Mirail, Serge Pey dirige le séminaire de poétique d’action et l’atelier de poésie du CIAM. Créateur de situations, il rédige ses textes sur des bâtons avec lesquels il réalise ses scansions, ses performances et les rituels de ses poèmes d'action. Poète de la rupture des frontières de l’art, plasticien, théoricien et critique, il explore les phénomènes de ritualisation du langage dans la pratique orale du poème.

 

Le Nom secret et les étoiles de Mixcoac

Octavio Paz un nom vers le nom

 

Cher Octavio Paz,

C'est le nom de Rimbaud qui m'a fait comprendre le vôtre. Qui êtes-vous ? Pour commencer à parler de vous il faut parler d'un autre. D'une différence radicale celle de Rimbaud....

 

L'onomastique permet de comprendre un des chemins du poème. Le poète n'est pas qu'un artisan des mots. Il les porte vers un mystère où l'oreille secrète de celui qui entend est sacrifiée dans une naissance. Rimbaud nous apprend ceci. Rimbaud décide et déclenche la guerre dans ce qu'il a aimé le plus dans la poésie du XIXème siècle : la belle rime devient la cible totale de son poème. Rimbaud sait que son nom est le contraire de rime belle. Rime belle au masculin fait Rim beau dans l'androgyne réalisé du poème. Et Rimbaud utilise son nom comme une arme contre le goût bourgeois de l'héritage de la poésie et le vit comme un destin qu'il ne sait pas. Face à la rime belle, Rimbaud devient la masculinisation, dans le soleil noir amoureux, de l'envers du vers-laine du XIXème, contre la versification. Rimbaud se retourne dans le ventre de la rimebelle qui va accoucher de lui. La poésie contemporaine ressuscite les grandes initiations du feu. Le poète dit, comme la pythie, assis sur un trépied, le cul ouvert, traversé par les paroles de la poésie, ou bien, accueillant les apocalypses dans son oeil désert, ou encore, enfantant son oreille de prophéties. Toute poésie est une initiation qui recommence les hommes jusqu'au bout du poème qu'ils font.

 

Le poète s'il veut honorer les promesses du poème change alchimiquement dans l'athanor où il fabrique ses étoiles et ses règles. Le but de la poésie est de changer le poète et de faire du poète un poème. Tout poète doit faire de sa vie un poème et ressembler à son poème. Y êtes-vous parvenu sur les chemins qui vous ont aux poternes de l'univers ou du monde ?

 

Le poète fait une psychanalyse de Dieu puisqu'il est Dieu lui-même en inventant la disparition qui invente Dieu.

 

Dans le creuset de l'absence la présence se retourne comme un retirement et le poète regarde la marée avancer et reculer sur la page blanche du livre. Les mots qu'il écrit ne sont que le sable avec parfois une étoile ou les traces d'une bouteille lancée en pleine tempête par un bateau ou les lignes d'un crabe sur le sable qui fait tituber le sens du monde. la page blanche est l'accueil du vivant du poème. Ce qui passe s'arrête pour nous parler. La langue fait signe dans un baiser de papier.

 

Il ne s'agit pas ici d'expliquer, mais de dévoiler, à l'initié du poème, le nouveau sens défini qui fait que l'oeuvre et l'oeuvrier sont le même pain.

 

Quand on m'a demandé un poème pour votre anniversaire, j'ai pensé écrire et évoquer les évènements fondamentaux de vos poèmes, qui ont permis de faire exploser la maison de la poésie où nous habitons tous, pour aller vers un autre monde.

 

En quoi votre nom pouvait-il éclairer votre destin littéraire et poétique ? Votre nom a la beauté de son sens. PAZ, PAX, PAIX.

 

Ce mot-germe explique de quelle façon vous avez vécu la littérature et l'histoire comme une défense de la Paix, de la concorde, de l'absence de troubles. Dans une dialectique présocratique votre sagesse cantonnait la guerre dans le poème et la tension des images qui cassent les miroirs où la littérature ne se voit déjà plus.

 

La guerre infinie héraclitéenne de l'univers est ce poème, réceptacle des soleils noirs où nous tournons et toussons dans les contradictions du sens.

 

Votre nom de PAIX vous a fait construire votre sagesse, comme une colonne de temple grec. Une colonne de l'ordre du temps et de l'histoire. La sagesse de votre PAIX est celle de l'ordre intérieur vers quoi peut conduire, parfois, la poésie.

 

Octavio vous vous appelez la PAIX, vous portez le nom de la Paix. Quelle responsabilité face au poème et à la société.

 

Quelle beauté que de porter le nom de la beauté ! Quelle guerre que de porter celui de la paix ! Quel destin d'harmonie, entre les quetzals et les oiseaux euclidiens ! Quel labyrinthe absolu de votre solitude cela suppose ! Comment porter le nom énorme de la paix sur la balance du vivant ?

 

La paix pèse toujours comme l'équilibre des terreurs du poèmes. La paix après le repas rouge des sacrifiés des grandes pyramides de Teotihuacan. La Paix, aussi, comme une autre façon de dire la guerre. Le poète doit porter l'harmonie et l'amour car son nom le suppose.

 

Je m'appelle PAZ comme un coup de revolver sur la littérature. Mais à cheveux blancs. Le revolver de Breton. Votre Vuelta.

 

Nommer le monde c'est le faire exister. Sans nom les choses errent entre les limbes et ne peuvent accéder au Paradis des poèmes. Le fantôme des voyelles et des consonnes s'empare du monde, mais les dictionnaires, à la différence, à la différence des livres de poèmes, ne font que réciter la mort. C'est avec les livres de poèmes que l'on fait les véritables dictionnaires du monde car les mots y sont encore vivants. Les mots et les choses se rencontrent et font l'amour en inventant une noce qui bannit l'arbitraire du signe.

Le Peyotl et les images du diable

 

Cher Octavio Paz,

Le peyotl est une rose à l'intérieur de la rose et une pierre à l'intérieur de la pierre.

 

Quand on mâche le peyotl, et que la bouche s'emplit de l'amertume de la plante à l'intérieur du jacal, on voit soudain des croix horizontales de fleurs partir de ses yeux. mon frère Ucha Neweme me dit qu'il faut que je jette quelque chose de ma tête en crachant ou que je donne un présent qui aurait touché mon corps. L'artiste chaman a toujours la douceur de l'amour.

 

Un jour je fis un songe, entre la pyramide de la lune et celle du soleil à Teotihuacan : j'enfonçais des épingles de couturière dans des pommes rouges jusqu'à leur tête.

 

J'entrais en lévitation dans un vagin aux parois de plumes qui se transformaient peu à peu en écailles de poisson puis qui me transportèrent comme un temps dans les étoiles. Un jour je suis devenu la vitesse.

 

Jean Jacques Lebel, comme certains initiés du lophophora, voulait que je transporte le peyotl dans mon urine et que j'opère la transmission du voyage en pissant sur l'ombre de mes poèmes. Boire l'urine du peyotero est la meilleure façon d'établir la fraternité de la vison avec celui qui veut voir. C'est un des secrets du Graal des adorateurs du feu.

 

Dans cette caverne du Vor, je pense à vous, ainsi qu'à Michaux, à ses dessins mescaliens, au rythme en blanc et noir qui ouvre des vides. Certains dessins sont des commentaires d'une parole écrite : ils ont leur domaine propre, leurs ailes magiques de papillon que nous mangeons directement dans leurs vols réduits en poussière bleue.

 

La poésie, comme la drogue initiée, est une spéléologie des gouffres aurait pu dire Michaux : Ceci est une exploration. Par les mots, les signes, les dessins, la Mescaline est l'explorée.

 

Vous vous êtes demandé si le résultat de l'expérience n'était pas à l'inverse : le poète Michaux exploré par la mescaline. Exploration ou rencontre ?

 

Entre Baudelaire et les Beatles, le Sous-marin jaune ne conduit pas toujours à la poésie. De Quincey disait que l'opium produit des rêves différents s'il s'agit d'un boucher ou d'un poète. La poésie est un dévoilement de l'illusion, elle a en commun avec la drogue, l'exploration de l'inconnu. Une frontière commune avec le Verbe. La règle dans le dérèglement rimbaldien.

 

La poésie est aussi un chemin vers les sagesses et le yeux du diable et des maudits.

 

Vous écrivez en vous référant à Leiris dans De la Littérature considérée comme une tauromachie, que sa fascination devant le taureau tient à la fusion entre le risque et le style. Le torero s'enferme en une forme qui est ouverte au risque de la mort. C'est ce qu'en espagnol nous appelons temple : audace et affinement musical, dureté et inflexibilité. La corrida, comme la photographie, est une exposition et le style de Bunuel, par double choix esthétique et philosophique est celui de l'exposition. Exposer c'est s'exposer, se risquer.

 

C'est parce que vous êtes un poète que vous comprenez la majuscule du risque, comme un guide de montagne entre le Mont Analogue de Daumal et les volcans debout de Mexico. Vous êtes un naisseur contemplant le poème interminable sans rimes, sans musique, sans mots, qui sans cesse scande l'univers.

 

Vous avez toujours su que loe Moi qui disparaît dans la mort ne laisse pas sa place à un autre remplaçant. Aucun autre moi. "Nul dieu mais le divin...Paix dans le cratère."

 

La poésie est la lucidité suprême du dérèglement. Elle est le vrai psychotrope de la langue car elle est la pensée-avenir de la langue. On dit que le nom de troubadour, celui qui trouve le trou où nous passons avec cette langue, vient des moines qui chantaient les tropes. La drogue ne fait pas le poème. Mais son chemin initié partage avec le poème le VOIR, V'OIR : entendre avec les yeux.

 

La poésie est un monde à l'envers. Un carnaval sacré. Une incarnation sans masque. Demain est hier. Le mouvement est immobile : Les pêcheurs se sauvent ; les ignorants sont les vrais sages ; l'innocence n'est pas toujours le fait des vierges mais des filles perdues ; le "bon larron" est le compagnon du Christ ; l'idiot du village confond le théologien arrogant ; le brigand Tché est plus intègre que le virtuose Confucius.

 

Vous avez interrogé la drogue mais pas comme Ginsberg ou Kerouac ou Burroughs. Vous l'avez prise comme un secret, dans votre jeunesse pour commencer le monde. On naît chaque jour. Une seule fois peut-être comme une épreuve, avec le champignon sacré, le teononacatl, ou le vieux jiculi amer qui nous tend ses bras atomiques du réveil.

 

Seulement le "moi" que nous révèle la drogue - comme celui de la poésie et de l'érotisme - est un inconnu dont l'apparition fait penser à la résurrection de quelqu'un que nous avions enterré depuis longtemps. L'enterré est vivant et son retour nous glace. La drogue nous introduit dans un dehors qui est un dedans. Nous habitons un moi qui n'a d'identité ni de nom ; nous vivons dans un ailleurs qui est ici, dans quelque chose que nous sommes et ne sommes pas.

 

Les indiens huicholes appellent leurs tableaux ituris (lits des dieux) là où les dieux rêvent et s'aiment. dans vos poèmes nous avons trouvé les mêmes chemins de laine collée. Le poète est aussi un commentateur du chemin de ses poèmes. Vous avez préfacé Castaneda comme une bouche qui mène à Ixtlan. Vous avez lu Misérable miracle, l'infini turbulent et Paix dans les brisements. Les vibrations harmoniques de Michaux sont les représentations des lits sans dieux de notre siècle mais l'usage des drogues atteste que l'homme n'est pas un être naturel : outre la faim et la soif, le sommeil et le plaisir sexuel, il éprouve la nostalgie de l'infini.

 

Les cartes du Tarot sont des ituris, des lits des dieux. Le Jugement est une carte sur laquelle figurent des langues de feu qui descendent sur les hommes. La parole, le parler en langue, le verbe de la tradition font exploser la différence entre les arts. Le Jugement explose lui-même. La Force où une femme ouvre la gueule d'un lion est l'image de la tâche d'Hercule du poète : voir ce qui a derrière la parole. Dans le tarot la poésie parle la parole.

 

Le peyotl est la carte du diable. Celui qui divise, ce qui nous sépare. Peut-être le vrai Dieu, celui qui, pour créer la terre, a séparé la lumière des ténèbres. Le poète et le sorcier distribuent le poème à chacun à leur manière. Le diable est un peau rouge revêtu de la peau d'un bouc. Celle de Vulcain-Mautiwaki, le boîteux de la montagne.

 

Dans le Yucatan une chaleur verte monte de la terre. Des fusils-mitrailleurs et des cagoules font la sieste dans les hamacs. Une maison brûle. Un hélicoptère tourne au-dessus des arbres. La peinture est une vison des mondes. Pour Baudelaire la couleur pense, indépendamment des objets qu'elle revêt.

 

Les zanducos, ces moustiques d'acier sont des mots qui font exister le monde. Les zanducos réveillent la beauté du monde. On pense à la poésie des haricots noirs. Chacun a l'infini qu'il mérite.

J'ai envie de parler avec vos mots et vos phrases.

Je pourrais vous écrire des milliers de lettres. L'ensemble de votre oeuvre critique est une lettre permanente à un jeune poète comme une révolution. Vous avez été le Rilke de la pyramide inversée. On ne chasse pas les moustiques avec des pistolets-mitrailleurs.

 

Le poète nomme les mots plus que les réalités et fait des trous sur le monde. L'activité poétique a pour objet essentiellement le langage qui se tord comme un fouet, jusqu'à ne pas retrouver la langue vers la chose. Les mots sont des morceaux de vie. Dans un poème les mots se volatilisent pour donner des naissances de chair. La poésie moderne est inséparable de la critique du langage, laquelle, à son tour, est la forme la plus radicale et virulente de la réalité. Mais n'est-ce-pas un va-et-vient incessant entre les mots et les choses, jusqu'à l'apparition de l'âme de la chose même dans le poème ? Les dieux tournent dans l'absence noire de la mort de Dieu. Les dieux sont la marchandise de Dieu. Les dieux se vendent dans les supermarchés. Les dieux sont descendus du ciel et l'homme les a tués. Nous avons remplacé la poésie par la pharmacie. La drogue n'écrit pas de poèmes. Pour le poète qui reste la place qu'occupaient les dieux, c'est le mot qui l'occupe à présent. a bonne parole se mange dans le Verbe du saint des Solstices. Les mots, comme des dieux ou des planètes, tournent aussi, amis autour de quel soleil ? Celui de la langue, de la bouche ou des dents. La poésie a des mains. Le problème de la signification en poésie s'éclaire, dès qu'on s'avise que le sens n'est pas hors du poème mais en lui. Mais le poème est-il hors du monde ? Le sens est dans le sens. Les mots sont des mondes qui inventent le monde : Non pas ce que disent les mots, mais en ce qu'ils se disent entre eux. Les mots-mondes.

Le poète moderne ne dit pas le monde, mais la Parole sur quoi le monde repose. Les mots et les choses font la ronde autour de la bouche des poèmes.

La poésie exige comme la mystique et l'amour un abandon total. La poésie moderne est une tentative d'abolir l'ensemble des significations. Elle est à la fois destruction et création du langage. La poésie est un monde qui naît dans la bouche du poète.

Les idées qu'on peut trouver à un poème ne sont pas celles qui viennent au poète avant d'écrire, mais celles qui, après, qu'il l'ait voulu ou non voulu, se déprennent spontanément de l'oeuvre.

La poésie est une différence qui n'appartient pas aux prêtres. Toute religion est un poème qui a mal tourné.

Blake disait que tout vrai poète, même à son insu, est du côté du démon. La poésie est un non-pouvoir. La poésie a cessé d'être la servante de la religion et de la philosophie ; comme la science, elle explore l'univers pour son propre compte.

Vous êtes un poète de la poésie. Vous avez toujours questionné le temps. Plus de temps, disait Jimenez, ce n'est pas plus d'éternité.

La poésie appartient au cercle et non à la ligne droite de la littérature. La poésie tourne, pour cette raison elle tombe dans la marge à la fin du vers et fait exposer le livre.

La poésie de nos jours est critique et c'est ce qui rend anachroniques autant les hymnes et les malédictions des "poètes sociaux".

Le temps tourne même pour celui qui n'a pas conscience qu'il tourne en le faisant tourner avec lui. Les temps sont parallèles. J'avais parlé de votre oeuvre avec Ginsberg lorsque je lui avais retourné le livre America, dédicacé par Neruda que j'avais retrouvé à Isla Negra. Il conseillait à l'auteur du Chant Général de prendre le chemin de l'Ayahuasca hallucinogène et de quitter celui du marxisme. Ginsberg faisait pourtant une poésie politique.

La poésie et les mots, c'est les cinq derniers jours du calendrier aztèque, les nemotani. Cinq jours vides et sans nom, durant lesquels on suspendait toute activité. Les dimanches de la malédiction.

Vous avez été un peintre d'Ituris : celui d'une sagesse du monde qui fonde une espérance présente du bonheur.

La poésie, qui est la perfection de la parole dite - langage qui se parle à lui-même - nous appelle à la vie plénière.

La peinture qui produit des images et des visions supérieures à celles du pauvre miracle, fut une des écritures que vous avez pratiquée comme un lecteur et un praticien de la vison. Vous avez été un lecture de la peinture et un peintre de la poésie, un nageur d'art.

Vous n'aimiez pas la peinture murale mexicaine, tout en reconnaissant la valeur de certains peintres comme Diégo River, qui, me disiez-vous, désirait se faire des injections de lait de vache pour soigner son cancer de fauve.

Le muralisme, cet art politique qui glorifiait la lutte du peuple mexicain et ses héros de la sainteté révolutionnaire comme Vila ou Zapata, a été l'oeuvre souvent d'artisans mercenaires. Le réalisme-socialiste mexicain a été sourd au manifeste de Breton-Trostky-Rivera signé à Mexico.

Après Guernica de Picasso, quel art mural était possible ? (D'après Geneviève c'est celui de Siqueiros qui est le plus proche de Guernica) →

Pour vous la peinture devait s'ouvrir sur un autre monde intérieur.

Depuis Baudelaire, la peinture pense et ne parle plus, elle est langage et ne signifie plus ; elle est matière et forme resplendissantes, mais a cessé d'être image...L'originalité de Baudelaire...est d'avoir fondé une esthétique de la désincarnation.

Vous êtes une Archer. Il me plaît de vous imaginer entre l'arc et la lyre, tirant les flèches invisibles de la musique et des poèmes. Vous avez été toujours votre première cible. La flèche qui vous a traversé fut toujours celle du poème. Qui tire la flèche du poème qui traverse le monde, la lyre ou l'arc ?

Vous êtes le poème qui pensez le poème.

Avec toujours un souci de clarté comme un maître d'école (le maestro rural que vous avez été dans votre jeunesse). De maître d'école à maître du sens, votre dimension de lumière vous a-t-elle été donnée par les maîtres du collège Williams : Une langue claire disaient-ils, nous aide à penser. Plus exactement elle nous oblige à penser.

 

Vous écrivez vos essais comme des paroles, des évangiles, des sutras. Vos élèves, vos amis, vos disciples, vous suivent autour des agoras mexicaines, dans les jardins vides de Chapultepec, sur les barques de Xochimilco, en équilibre debout sur des motos métaphysiques.

Chacun de vos poèmes est une marche : une théorie de vos pieds, un tableau, l'amour homosexuel entre Quetzalcoatl et Vishnu, un match de football ente Bacon et un singe grammairien.

Vous avez le souci de l'autre. Vous l'aimez.

La poésie est un langage qui se parle à lui-même, tout en parlant aux autres dans leur langue-amante qui désigne le monde. La poésie est un langage-monde qui crée la langue infinie d'un possible infini. La poésie crée l'impossible-possible contre l'éternité illusoire de nos présents réalisés.

Le verbe pleut sur vous en langues comme dans l'Arcane du Jugement.

Octavio Paz bon matin dans les abeilles, bon matin dans le miel qui garde le teononancatl.


J'ai recopié ce texte pour ma fille Alexandra avec laquelle j'étais allée à une conférence donnée par une professeur de l'Université du Mirail sur Antonin Artaud et son expérience du peyotl. Il était beau comme un dieu dans sa jeunesse. On dirait maintenant que c'est un illuminé et on ne l'internerait plus.

Il a souffert de la faim tout comme Camille Claudel et bien d'autres internés durant la seconde guerre mondiale. Il a souffert des électrochocs qui l'ont transformé en un vieillard édenté. Je veux que ce texte lui soit dédié en hommage à son approche des mots qui lui était propre.

Valère Novarina dont le spectacle "Le vrai Sang" est à l'affiche de l'Odéon du 5 au 30 janvier 2011 a bien compris la puissance des mots déclamés comme le prônait Antonin Artaud. Il y a eu un magnifique Hors Champs de Laure Adler sur ce metteur en scène et des textes récités lors de l'émission Radio libre du samedi 8 décembre. Tout ça au cas où vous aimeriez approfondir ce que je viens de vous raconter.

Ces lettres posthumes écrites par Serge Pey, professeur aussi à l'Université du Mirail, depuis quelques arcanes majeurs du tarot sont dédiées à Alexandra pour son amour des cartes et à Geneviève, mon amie conférencière qui nous a fait découvrir et aimer le jardin des tarots de Niki de Saint Phalle qui est une poétesse aussi à sa manière.

J'ai aussi fait un clin d'oeil à Geneviève quand Serge Pey évoque le Guernica de Picasso qui selon lui n'a pas son équivalent dans le peinture murale de Diego Rivera qui a peint la révolution. Il semble avoir oublié Siqueiros et le tableau que j'ai ajouté de moi-même à cette lettre.

Si vous voulez en savoir plus sur Serge Pey allez l'écouter sur internet nous parler du Mas d'Azil et allez le découvrir au Musée des Abattoirs de Toulouse. Il fait parti à part entière des gens de notre ville qu'on aime et qui nous le rendent bien.

 

La première partie est dédiée à Charles Ficat et à son essai sur Rimbaud :"D'acier et d'émeraude". Rimbaud sait que son nom est le contraire de rime belle. Rime belle au masculin fait Rim beau dans l'androgyne réalisé du poème. Henri Guérin a sublimé dans ses vitraux les voyelles de Rimbaud et j'espère bien qu'un jour Geneviève nous sublimera le travail de Guérin dans une de ses conférences dont elle a le secret.

                                              BERTILLE

 

 

 

 

 

 

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