D_TKNOW explique comment le  2T Stayman a été créé.....

En ce début d’après-midi de juin 1950, Sam se dirigeait d’un pas aérien vers son Club de bridge, 3568, High Street, à New-York.

 

Le matin même, il avait mis la dernière virgule à son article hebdomadaire de la chronique « Bridge » du New York Times. Il s’y était bâti une solide réputation de       « nécrologue ». C’est qu’il n’avait pas son pareil pour y rapporter les contrats morts nés, abattus en plein vol ou massacrés par des pilotes pourtant chevronnés, capables, par ailleurs, de brillantes acrobaties. En quittant Central Park, il était loin de se douter qu’il fournirait bientôt lui-même matière à rédaction d’un prochain article.

 

L’accident eut pour cadre la table n° 7 du club, où son partenaire, George Rapée et lui-même avaient l’habitude de sévir. En cours de tournoi, vint s’asseoir à la table une couple dont il appréciait peu la tenue de table, trop expressive à son goût. Sam donneur, la donne 22 se présenta ainsi :

 

               P  AD82

               C  R6

               K  R97

               T  R1073

              ___________

 

               P  RV73

               C  94

               K  AD102

               T  AD6

 

Placé en Sud, Sam ouvrit bien évidemment de 1SA.

Fort de ses 15 points, George conclut à 3SA et s’éloigna pour rallumer sa pipe, après le rituel « Good luck, partner ! ».  

À son retour, il trouva un Sam à la mine déconfite. C’est que, sur l’entame de la Dame de Cœur, l’As tapi en Est, les «  méchants  » avaient engrangé cinq levées, alors qu’à l’atout Pique, Sam en aurait aligné onze, « fingers in the nose ». Blindé par l’expérience, Sam ne pipa mot, mais les traits de son visage parlaient d’eux-mêmes.

 

Ce soir-là, Mme Stayman lui trouva un air inhabituel, comme contrarié. D’ailleurs, il dîna de peu et se coucha plus tôt qu’à l’accoutumée. Sa nuit fut hantée de chutes vertigineuses, au fond d’abîmes sidéraux, de naufrages tels que ne connut, pour sûr, le seul « Bateau ivre ».

Au réveil, il imagina s’en confier à sa jument Squeezy, fidèle compagne de son autre passe-temps favori, le jumping. Arrivé au paddock, Sam prit Squeezy à témoin de son infortune. La jument, frétillante d’impatience, ne prêtait guère oreille à la mésaventure de son maître. Elle passa le premier obstacle avec une arrogante facilité. Cependant, Sam ne cessait de lui seriner sa problématique à l’oreille et cela commençait à la chatouiller désagréablement de ce côté-là.

D’ailleurs, le second obstacle ne fut franchi qu’au prix d’un effort inhabituel. Pour autant, Sam ne cessait de déverser sur elle ses jérémiades. C’en était trop. Squeezy refusa l’obstacle suivant, se cabra et la gent ailée se vit bousculée par un intrus monté sur fusée. Sam s’abima sur un espace gazonné, dans l’instant déserté par des écureuils dans l’effroi. Le temps d’un soupir, un silence de plomb figea le décor. Squeezy, elle-même, s’était arrêtée. L’air faussement détaché, elle épiait, du regard, son maître, immobile. Probablement mue par un sentiment de culpabilité, elle s’approcha lentement de lui. Comme il ne bougeait toujours pas, elle initia une vague de lipettes sur son visage.

Sam ouvrit un œil, puis deux – il n’en avait pas de troisième. Il entreprit de se lever. Il y parvint, non sans mal. Peu à peu, il reprenait ses esprits. Il ressentit alors la présence de corps étrangers dans l’interstice de ses incisives. Il en retira...deux trèfles.

En un éclair, du menton à la pointe des cheveux, son visage s’électrisa.

Un «  OH, MY GOOOOOOD ! », jailli de ses entrailles, provoqua un tsunami jusqu’aux confins des rives de Bridgeland. Sam venait de trouver « THE » solution, vérifiant l’adage selon lequel ne trouvent que ceux qui cherchent. Depuis, des générations de bridgeurs lui disent « Merci, Sam ! »... mais ne vaudrait-il pas mieux remercier Squeezy ?

merci à D_TKNOW  qui m'a confié son article  publié dans                       " jouez bridge" de décembre et qui méritait d'être offert aux lecteurs du "crapaud"